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  • 6 mars 2018

    Un bel âge pour mourir de Barbara Abel


    Auteur : Barbara Abel
    Éditeur : Masque (2017)
    Genre : Réécriture de conte, Thriller
    Pages : 472 (format poche)

    Le résumé : A soixante et un ans, France reste une femme séduisante et entreprenante, aussi bien dans sa galerie d'art du Marais que dans son second mariage avec Paul. Jusqu'au jour où, obsédée par l'acquisition d'un nouveau tableau, elle assassine froidement son époux et révèle ainsi son vrai visage, celui d'une sorcière cruelle digne d'un conte de fées. Sa belle-fille, Marion, jeune mère célibataire, tombe brutalement sous l'emprise de cette mégère qui s'apprête à lui faire vivre une véritable descente aux enfers, la privant peu à peu de son toit, de son fils et de sa dignité... Mais la jeune femme est prête à tout, jusqu'à sacrifier son innocence, pour conjurer ce maléfice et écrire elle-même la fin de l'histoire.


    Ma chronique : Le cinquième Barbara Abel que je lis, et certainement mon préféré, et de loin, malgré un schéma narratif récurrent chez l'auteure.

    France Riot, une galeriste de la soixantaine, file depuis quatre ans ce qui semble être un amour parfait avec Paul Wasquet, un agent immobilier... du moins en apparence. Car afin d'acquérir La Valse du Destin, une oeuvre d'art contemporain qui l'obsède littéralement, France promet de vendre la maison familiale de Paul à son concurrent direct et ancien collègue, véritable requin de l'immobilier. Outré, trahi et fatigué de vivre avec cette femme qui, aujourd'hui, lui donne l'impression de ne pas avoir de cœur, Paul oppose un refus ferme à France : il n'est pas question de vendre la maison où a grandi sa fille (encore moins pour un vulgaire tableau !) et, dans la foulée, demande le divorce. Sentant l'oeuvre de sa vie lui glisser entre les doigts, France commet alors l'impensable. Elle assassine son mari de sang-froid, s'assurant ainsi la propriété de ladite maison. Mais elle déchante bien vite en apprenant que celle-ci est occupée. Marion Wasquet, fille de Paul, y vit avec son fils, Ludovic, cinq ans. Mais France est déterminée et, surtout, rusée ... Bien vite une partie sinistre s'engage entre les deux femmes. Marion n'a pas le choix : si elle veut conserver toit, enfant et intégrité, il lui faudra se battre. Au propre comme au figuré.

    Imaginez un royaume pas si lointain que ça, il n'y a pas si longtemps : Paris, 2002. Une femme à la beauté certaine mais au cœur pourri, non pas reine, mais galeriste : France. Un tableau qui l'obsède, à l'image de son reflet dans un miroir : La Valse du Destin. Sa belle-fille qu'elle jalouse, non pas pour sa beauté, mais pour le toit qu'elle a sur ses épaules et qu'elle veut faire sien : Marion. Et, enfin, une lutte à armes inégales, avec la loi française en guise de Chasseur impitoyable. Que vous inspire, sous cet angle, Un bel âge pour mourir, si ce n'est une adaptation libre, inventive et diaboliquement audacieuse de Blanche-Neige ? Audacieuse et inventive, certes, mais aussi ingénieuse et tout à fait réussie. Un pari gagné pour Barbara Abel, et de très, très loin.

    Sans quitter les grandes lignes du conte dont elle s'inspire, l'auteure y apporte des touches innovantes plus que bienvenues. Juste ce qu'il faut pour s'assurer que le lecteur se sente à l'aise, presque chez lui, en terrain connu ; mais sans pour autant le voir tenir chaque élément du récit pour acquis. Juste ce qu'il faut pour susciter sa curiosité et son intérêt ; mais sans le priver du plaisir de la surprise et de l'effarement. 

    Car la glu qui cimente ces nouveaux éléments aux anciens et qui confère à l'ensemble une cohérence impressionnante, c'est la qualité du thriller psychologique que propose Barbara Abel. Si l'auteure ne vous est pas inconnue, vous savez sans doute que ses récits se distinguent des autres du même genre par leur effrayante plausibilité. C'est ce qui, personnellement, me plaît tant chez elle. Bien loin des clichés du genre souvent effrayants mais, admettons-le, peu crédibles, Barbara Abel donne vie à des protagonistes humains. Avec tout ce que cela implique de bon... et de mauvais. Et c'est là qu'est son génie. Sur papier, ses trames et scénarios n'ont presque rien de fictif. On est dans des "thrillers du quotidien" : les relations entre voisins qui dérapent, jusqu'au drame ; une mère qui cherche à protéger son enfant, coûte que coûte ; une lutte immobilière sans merci qui s'engage entre une jeune femme et sa belle-mère ... et qui finissent systématiquement par vous faire (très) froid dans le dos. Parce que cette machine infernale pourrait peut-être refermer ses mâchoires sur vous, sans crier gare. Parce que ça se passe peut-être à côté de chez vous, à votre insu. Et c'est ce peut-être, cette plausibilité effrayante qui fait mouche à tous les coups et vous glace le sang.

    Au centre de l'intrigue, deux femmes fortes : France et Marion. L'une a la vie derrière elle, l'autre devant. Et c'est ce qui, d'entrée de jeu, fera la différence. Nulle enfance facile pour l'une ou l'autre, dont les pères furent respectivement abusif et absent. Mais là où n'importe qui d'autre aurait insisté sur le côté larmoyant de tels personnages, Barbara Abel en a fait des femmes fortes et, chacune à sa manière, impitoyables et déterminées. Qu'il s'agisse de l'une ou de l'autre, aucune n'est en reste. Le lecteur sent que Barbara Abel a pensé ses protagonistes avec le soin et la minutie de ceux qui aiment le travail bien fait. Voire même très bien fait.

    Certes, Barbara Abel gagnerait à se renouveler. Les similitudes entre Un bel âge pour mourir et Derrière la haine sont plutôt nombreuses. Ceci dit, elles n'enlèvent rien au plaisir de la lecture et, à bien y réfléchir, constituent la patte de l'autrice. Sa signature, en quelque sorte. 

    En somme, à cheval entre le conte et le thriller (mais tout de même méchamment plus proche du second), Un bel âge pour mourir est un excellent roman. Prenant, inventif, effrayant. Un trio gagnant porté par des protagonistes parfois détestablement humains, mais toujours psychologiquement impeccables. Du très beau travail, et une très belle lecture que je vous recommande ... froidement !

    Note : 17/20

    Date : 04 mars 2018 - 06 mars 2018

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